Etienne Ballan
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- L’école, un levier pour l’urbanisme
L’école n’est plus un objet fermé ! A l’occasion de la rénovation des écoles qui s’amorce, programmons et concevons des écoles ouvertes sur la ville. L’élève s’en trouvera affermi dans son rapport à la société, et la ville s’en trouvera plus amène. En changeant l’école, c’est le message que nous adressons aux enfants qui change.
Etienne Ballan
L’école est la première rencontre avec la société, hors de la famille. Tout dans l’école est signifiant pour l’enfant : le chemin vers l’école, son entrée, la salle de classe, la cours, la cantine, etc. C’est là que l’enfant se fait une première idée de sa place dans la société. Et quand l’école est en mauvais état, lorsque le personnel manque, lorsque tout apprentissage est rendu difficile, le signal que l’enfant reçoit, c’est qu’il n’est pas né sous la bonne étoile… Ainsi, au contraire de notre idée de l’ascenseur social qu’elle devrait ouvrir, l’école reproduit largement nos inégalités. Constat toujours refait, et toujours choquant pour nous tous : ainsi la promesse de l’égalité ne serait pas tenue ?
Est-ce à dire que l’école est responsable de ces inégalités ? Sans doute pas. Alors, peut-elle être une part de la solution pour les réduire ? Sans aucun doute, mais pas seule ! Et c’est bien dans ses multiples rapports à la ville qu’elle peut retrouver le rôle fondateur du contrat social qui nous lie.
Première question : la taille de l’école. Dans les quartiers populaires, à la démographie plus dynamique, les besoins sont massifs, et la réponse peut l’être également. Or un groupe scolaire de 20 classes, sur une parcelle réduite, ressemble vite à un paquebot : trop compact, lourd, peu maniable, avec un écart immense entre les élèves et les responsables de l’école. La recherche des économies d’échelle doit s’arrêter lorsque l’école ne permet plus à l’enfant de s’attacher aux figures familières, accessibles, ou lorsqu’un service de cantine devient un marathon pour les personnels.
Et le choix de la grande taille engendre le plus souvent la standardisation : une école pensée comme plus réduite peut se permettre des différenciations pédagogiques, des approches singulières liées au contexte urbain. Avec le principe des écoles dehors, ou des écoles à la forêt, c’est bien vers une diversification des modalités pédagogiques que la société évolue. Des pédagogies résolument tournées vers l’extérieur, qui produisent un effet sur les espaces scolaires, mais aussi sur nos espaces publics : lorsqu’ils sont pensés pour faire cours, pour jouer, ou pour découvrir la nature, les aménagements urbains destinés à l’école dehors bénéficient en fait à tous. Déjà, les rues aux enfants, pensées pour la sécurité, peuvent devenir des projets d’espaces publics ludiques.
La frontière avec l’école évolue également. En rez-de-chaussée, l’école peut animer la rue, en accueillant les espaces qui seront mutualisables avec d’autres usagers : la cuisine scolaire devient associative le week-end, la salle de musique est utilisée par la fanfare en fin de journée, la ludothèque est ouverte au public, etc. Et bien sûr à terme, la cour d’école devient l’aire de jeux des familles le week-end. Ces mutualisations vont s’accroître, car la natalité faiblit, et les effectifs vont décliner rapidement. Les écoles que nous construisons ou rénovons seront moins occupées dans 10 ans : ces équipements publics doivent pouvoir muter pour servir d’autres usages, associés ou non au scolaire.
Le chantier de la rénovation des écoles qui s’ouvre à Marseille, et suivra partout en France représente donc un défi formidable pour les maîtres d’ouvrage comme pour les maîtres d’œuvre. Si les premiers ont l’intelligence de réfléchir en profondeur à des programmations participatives d’équipements ouverts, urbains, de petite taille, diversifiés, évolutifs et mutualisables, les seconds pourront inventer une architecture généreuse qui pourra signifier à chaque enfant que son école, même dans un quartier défavorisé, est la meilleure, et qu’il peut y réussir !
Etienne BALLAN
Sociologue urbaniste,
Enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage – Versailles Marseille
ARCHITECTE ou société d’architecture
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