Prenez place !

Les espaces publics sont le point de convergence de toutes les activités humaines et économiques urbaines : lieux de passage comme d'animation, de représentation, de détente, d'échange ou de dialogue.

Très loin d’être le vide de la carte, ils sont au contraire le creuset de la vie dans la ville, le liant des éléments qui la composent, les témoins de son histoire et les marqueurs de son identité.

Leur qualité est le reflet de l'importance que la collectivité donne à ses habitant.e.s, ses travailleur.e.s, ses visiteurs.euses et à toutes les personnes qui la parcourent^[1].

Ils constituent également le levier essentiel de transformation des villes : pour faire face aux effets du changement climatique et rendre possible la résilience et l'évolution des usages, ils sont un élément fondamental de toute politique publique pensée globalement, et constituent le support très concret de tout changement comme le montre l’étude pour un centre-ville historique résilient en 2030^[2].

La Ville de Marseille avec ses partenaires s’est engagée dans la démarche, notamment au travers des « 100 villes neutres en carbone d’ici 2030 »^[3], du déploiement des "rues aux enfants"^[4] ou encore de la mise en œuvre du plan arbres^[5], qui participent du volontarisme municipal en la matière. 

Le contexte partenarial en vigueur depuis le début d'année 2023 entre la Ville de Marseille et la Métropole relatif à l'exercice de la compétence voirie et espaces publics doit s'accompagner d'une clarification pour la Ville des enjeux, objectifs et modalités opérationnelles qu'elle veut voir poursuivre à l'échelle globale et appliquer dans le cadre de programmes d'interventions thématiques et localisées.

Le Manifeste pour des espaces publics méditerranéens accueillants, résistants et résilients^[6], fait donc état de la philosophie et des ambitions de la Ville de Marseille en matière d'aménagement des espaces publics : volonté de préparer l'avenir, de s'inscrire dans une dynamique positive d’une ville durable et inclusive, d’une ville marchable, d’une ville cyclable, d’une ville sûre, hospitalière et conviviale, mais également d'une ville participative et démocratique.

Les espaces publics ne peuvent en rien être considérés comme de simples éléments d'ordre technique et constituent bel et bien le principal socle de déploiement de nombreuses politiques publiques thématiques. On y retrouve tous les enjeux de la ville, et il est nécessaire de les combiner pour trouver la juste solution, le bon positionnement des curseurs pour nous faire évoluer collectivement, résoudre les différentes contraintes et se saisir pleinement des enjeux d’aujourd’hui et surtout de demain.

Architectes, urbanistes, paysagistes, spécialistes de la concertation, des mobilités, d’économie, de commerce, de fluides, de réseaux, d’accueil, d’accessibilité, de propreté, de social, d’eau, de nature, d’écologie, de sécurité, de sûreté, de culture, d’éducation… les domaines concernés sont quasiment infinis.

Le Manifeste a pour vocation de constituer une base de discussion, utile au lancement de la démarche participative et tournée vers l’opérationnalité, que mènera la Ville cette année avec l’ensemble de ses partenaires, parmi lesquels l’Ordre des architectes PACA occupe une place de choix.

Au sein de l’espace public en général, la question des places et placettes revêt une importance particulière et une singularité. Au regard de ces constats et à l’enjeu vital de lutter contre les effets du réchauffement urbain, Marseille engage une véritable transformation de la ville qui passe par une évolution sans précédent de ses places publiques.

Base de travail et expérimentation tout à la fois, la méthode Prenez Place ! imaginée par la ville de Marseille vaut bien quelques mots d’explication.

En principe, la conception de l’espace public est pensée par les collectivités et autres aménageurs en lien avec les différents services techniques compétents (éclairage public, voirie...) et les services gestionnaires. Après une phase d’Études Avant-Projet (AVP) assurée par un maître d‘œuvre (permis d‘aménager, fouilles archéologiques...), le projet est réalisé par une entreprise de travaux sélectionnée au terme d‘une consultation.

Pour mener à bien la transition pour notre ville et pour recréer des places à vivre, la Ville de Marseille engage une nouvelle approche de conception et aménagement des espaces publics, au cœur desquels elle replace les usagers, habitants, commerçants et plus globalement les citoyens qui les pratiquent. Cette nouvelle approche se traduit par la conduite d’études pré opérationnelles visant à stabiliser un programme d’aménagement en amont des études assurées par le maître d’œuvre. 

La place Sébastopol, dans le 4e arrondissement de Marseille, a été le premier site à tester cette nouvelle méthode^[7].

Notre ambition politique a été déclinée en un certain nombre d’objectifs à atteindre :

•  une place méditerranéenne inclusive et accessible ;
• une place majoritairement piétonne apaisée, propice au lien social et aux activités ludiques; 
• une place animée par un marché et des terrasses de qualité ;
• une place mieux adaptée à l’accueil des enfants et des personnes âgées.

Pour mener à bien ce processus que nous avons souhaité innovant, il est impératif de considérer la préparation du projet comme fondamentale, et le temps pris à cette fin constitue pour moi un temps gagné et non pas perdu, quelle que soit sa durée. Poser les constats, parler le même langage, comprendre les enjeux et contraintes de tous les acteurs est essentiel pour fonder une requalification d’espace public.

Une association très étroite entre la Ville de Marseille et la Mairie de secteurs concernée constitue le socle de la démarche pré-opérationnelle qui se compose de plusieurs phases :

• pré-concertation
• concertation et co-construction des bases du programme
• organisation d’évènements ponctuels de piétonnisation
• mise en place d’urbanisme tactique sur un moyen terme pour tester les éléments marquants du programme
• consolidation du programme définitif
• rendu de la commande à la métropole
• maintien de l’urbanisme tactique dans l’attente des études AVP et des travaux.

Dans ce cadre, la Ville de Marseille fait appel à l’expertise d’usage des habitants et des commerçants : l’espace public étant conçu pour eux, et pour tous les citoyens, il apparaît légitime et stratégique qu’ils participent à la co-construction des projets. En effet, l’enjeu est bien en phase d’études pré opérationnelles d’avoir une programmation de place publique mieux adaptée aux besoins réels des acteurs qui la fréquentent et la vivent au quotidien^[8].

L’urbanisme transitoire constitue un 2eme marqueur de notre méthode renouvelée. Son objectif est d'évaluer techniquement ces aménagements issus du pré programme : être à l’écoute des utilisateurs et des citoyens dans leur ensemble afin de vérifier la pertinence des aménagements proposés, leur adéquation aux besoins, et les contraintes éventuelles qu’ils génèrent (questionnaires, bureaux de rue, système de vote…). Les aménagements transitoires pourront faire l’objet d’ajustements en cours de route en fonction des retours d’usages. 

Le succès de cette première expérimentation conduite par la Ville confirme l’intérêt de l’approche Prenez Place !. Ce même process est donc renouvelé sur d’autres sites en attente de requalification, dont la Place Cadenat^[9] pour laquelle nous venons d’ouvrir la phase de pré-concertation.

C’est par le questionnement, le partage et la compréhension des enjeux que nous arriverons à changer la ville, à faire basculer les pratiques vers plus de durabilité et de résilience afin de faire entrer véritablement Marseille dans ce siècle, adresser les problématiques sociales, environnementales et économiques qui se posent à notre territoire. 

Notre ambition est d’assurer un futur soutenable, confortable, habitable pour toutes et tous. Nous sommes à pied d'œuvre pour cela sur les espaces publics, avec conviction et méthode.

Perrine Prigent, Adjointe au Maire de Marseille en charge de la valorisation du patrimoine, de l’amélioration des espaces publics, de la place de l’eau dans la ville et de la ville résiliente

^[1] Pour approfondir la notion d’hospitalité de l’espace public, un très bon dossier de Millénaire, la revue prospective de la Métropole de Lyon : https://www.millenaire3.com/ressources/2021/qu-est-ce-que-l-hospitalite-a-l-echelle-d-une-ville

^[2] Etude complète à disposition sur le site de la ville : https://www.marseille.fr/logement-urbanisme/logement/pour-un-centre-ville-historique-resilient-marseille-en-2030

^[3] https://www.marseille.fr/marseille-2030-objectif-climat-et-le-programme-100-villes

^[4] https://www.marseille.fr/education/marseille-ville-amie-des-enfants

^[5] https://www.marseille.fr/environnement/actualites/lancement-du-plan-arbres

^[6] https://www.marseille.fr/sites/default/files/contenu/logement/manifeste-v2.pdf

^[7] Plus d’informations : https://www.marseille.fr/logement-urbanisme/actualites/projet-de-reamenagement-place-sebastopo

^[8] https://www.marseille4-5.fr/__trashed/participation-citoyenne/concertation-place-sebastopol/

^[9] https://www.marseille.fr/logement-urbanisme/actualites/prenez-place-place-bernard-cadenat