Info juridique

Le service juridique développe un sujet particulier et répond à plusieurs questions.

 

n°3 : Droits de propriété intellectuelle de l’architecte

I.   Qu’est-ce qu’une œuvre architecturale ? Qui en est l’auteur ? 

A/  Définition de l’œuvre architecturale

Article L 111-1 du CPI « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Article L 112-2 du CPI « sont notamment considérées comme œuvres de l’esprit (…), les œuvres d’architecture, (…) les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ».

► La jurisprudence a ajouté deux critères pour caractériser une œuvre architecturale :

l’originalité et la formalisation.

B/ Qui est l’auteur de l’œuvre architecturale et titulaire des droits d’auteur ?

L 113-1 du CPI « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux
  sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ».

L 113-2 du CPI et l’œuvre au sein d’une agence d’architecture :

  • L’œuvre collective : œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.
  • L’œuvre de collaboration : œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.

Les salariés et collaborateurs sont susceptibles d’établir leur rôle en conception, soit à titre d’auteur unique soit de co-auteur de l’œuvre conçue au sein de l’Agence, soit au titre de contributeur à l’œuvre collective.

L’œuvre dans l’œuvre : l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière.

II.   Quels sont les droits dont bénéficie l’architecte auteur d’une œuvre ?  

A/ Les droits moraux

L 121-1 du CPI : l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.

Ce droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est attaché à la personne physique et par exception à la personne morale en cas d’œuvre collective. Il est transmissible aux héritiers en cas de décès.

C’est en vertu de ce droit moral que l’architecte va pouvoir s’opposer à la modification de son œuvre, et ce sans condition de délai.

B/ Les droits patrimoniaux : les droits d’exploitation de l’œuvre

Ne pas oublier que les droits d’auteur s’appliquent aussi bien pour les plans de conception que pour l’œuvre architecturale.

Le droit de représentation : la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque.

Le droit de reproduction : la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte, étant précisé que pour les œuvres d'architecture, la reproduction consiste également dans l'exécution répétée d’un plan ou d’un projet type.

C/ Les droits sur l’image de l’œuvre

► L’architecte dispose sur son œuvre des droits d’exploitation de l’image : il a seul vocation à autoriser l’exploitation de l’image de son œuvre.  Il peut exiger la mention de son nom sur les reproductions et représentations de son œuvre (photographies).

  =) A défaut, caractérisation d’une contrefaçon de droits d’auteur

► Exceptions légales prévues à l’article L 122-5 du CPI : exceptions au profit de la presse et exception de panorama au profit des personnes physiques ne poursuivant pas de but commercial.

► Exceptions résultant de la théorie de l’accessoire (voir affaire de la Place des Terreaux à Lyon).

D/ La cession des droits d’auteur

► Seuls les droits patrimoniaux peuvent être cédés, jamais les droits moraux.

► La cession peut être gratuite ou onéreuse mais elle doit être formalisée par écrit et préciser la nature des droits cédés, la durée de la cession et son étendue géographique.

► La cession globale des œuvres futures est interdite.

► Les droits patrimoniaux bénéficient à l’auteur puis à ses ayant droits jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur.

 III.   Quelles précautions prendre lorsque j’interviens à la suite d’un confrère ou sur l’œuvre d’un confrère ? 
A/  Dans le cadre d’une succession de mission

Déontologie : Respecter ses obligations déontologiques en cas de succession de mission. 

Droits patrimoniaux : Vérifier que le maître d’ouvrage a bien obtenu la cession des droits d’exploitation des plans de conception.

Droits moraux : Se rapprocher du confrère pour l’informer des modifications envisagées, lesquelles ne doivent pas dénaturer l’œuvre.

B/  Dans le cadre de modifications d’une œuvre existante

Œuvre composite : l’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante (article L 113-2, alinéa 2 du CPI).

Droits moraux : Se rapprocher du confrère afin de l’informer des modifications envisagées qui ne doivent pas dénaturer l’œuvre.

n°2 : La réception, comment ça marche et à quoi sert-elle?

La réception, comment ça marche et à quoi sert-elle ?

Pour tout chantier de construction la législation française impose :  "la réception des travaux". Il s'agit de la dernière étape d'une opération de construction. 

Selon l'article 1792-6 du Code civil, « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. » 

A quoi sert la réception ? Comment l'organiser ? Quel est le rôle de l'architecte ?
Faisons le point sur le régime juridique de la réception des travaux.

A quoi sert la réception ?

  • Elle marque la fin de l'exécution des marchés de travaux et le paiement d'au moins 95% des sommes dues aux entreprises.
  • Elle marque le point de départ des procédures de comptes entre les parties et de la restitution éventuelle de la garantie ou de la caution.
  • Elle est le point de départ des différentes garanties légales :
    - Garantie de parfait achèvement (1 an : art. 1792-6 du Code civil)
    - Garantie de bon fonctionnement (2 ans : art. 1792-6 du Code civil)
    - Garantie décennale (10 ans : art. 1792 du Code civil)
  • Elle acte l'acceptation des vices, des malfaçons ou des non-conformités, s'ils ne sont pas réservés.
  • Elle marque la fin de la garde de l'entrepreneur, c'est-à-dire le transfert au maitre d'ouvrage des risques qui pourraient intervenir (sauf stipulations contractuelles contraires).

Comment l'organiser ? 

➡️ La réception doit être contradictoire. Selon l'article 1792-6 du Code civil, la réception est « en tout état de cause, prononcée contradictoirement ». La convocation à cette réunion de réception doit être formelle, établie de préférence par LRAR, par le maitre d'ouvrage le plus souvent.

Le principe du contradictoire est respecté si l'entreprise a été formellement convoquée, quand bien même elle ne serait pas présente lors de la réception.

➡️ La réception est en principe unique pour assurer l'harmonisation des délais de garanties. Le maître de l'ouvrage réceptionnera l'ensemble des travaux, tous corps de métiers confondus. Ainsi : une réception, une date, pour l'ensemble du chantier.

Toutefois la jurisprudence admet des tempéraments. Il est en effet permis pour les parties de prévoir conventionnellement une réception par lots.

Puis, notamment face à une entreprise défaillante, la Cour de cassation permet la réception partielle pour certains ouvrages. (Par exemple : réceptionner la maison achevée sans son garage qui ne l'est pas.)

En revanche, une réception partielle à l'intérieur d'un même lot n'est pas considérée comme valable selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cas. 3ème Civ., 2 février 2017, n°14-19279).

➡️ La réception doit être formalisée au sein d'un PV de réception, signé par les parties, où les réserves seront éventuellement mentionnées.

💡Si l'entreprise refuse de venir à la réunion de réception, rassurez le maitre d'ouvrage en lui indiquant que sa convocation suffit.

Si l'entreprise refuse de signer le PV où des réserves sont mentionnées, invitez-là à indiquer ses observations en annexe de celui-ci.

Quel est le rôle de l'architecte ?

  • Il propose la réception.
  • Il signale les vices apparents et suggère les réserves, au risque de voir sa responsabilité engagée.
  • Il conseille le maitre d'ouvrage de mettre en demeure l'entreprise de lever ses réserves à la date fixée.   
  • Il assure le suivi de la levée des réserves. Si à la date buttoir, aucune réserve n'est levée, l'architecte peut conseiller au maitre d'ouvrage d'opérer une substitution de l'entreprise, aux risques et périls de cette dernière, si le contrat le prévoit. A défaut de clause contractuelle, il pourra conseiller au maitre d'ouvrage de résilier le marché de l'entreprise (par LRAR) et de désigner une nouvelle entreprise en vue d'assurer la levée de ces réserves.

Que faire si le maitre d'ouvrage insiste pour intégrer les lieux avant la réception ?

➡️ Vous devez le dissuader de rentrer dans les lieux. Si le chantier n'est pas achevé à cause d'une entreprise défaillante, vous devez inviter votre maitre d'ouvrage à la mettre en demeure d'intervenir dans un délai fixé, en précisant que faute d'intervention, son marché serait résilié. A défaut d'intervention, vous devrez lui suggérer d'adresser un nouveau courrier LRAR à l'entreprise défaillante, valant résiliation du marché, et l'invitant à un constat préalable de l'état du chantier, avec Commissaire de Justice ; constat valant opération de réception.

{En bref}

  • La réception est « l'affaire » du maître d'ouvrage et de l'entreprise avec laquelle il a le lien contractuel ; cela signifie que l'architecte propose la réception au maître d'ouvrage et ne peut en aucun cas se substituer à ce dernier.
  • La réception doit être prononcée au contradictoire du maître d'ouvrage et de l'entreprise, laquelle aura été formellement convoquée pour assister à la réception de l'ouvrage. La LRAR est le moyen à privilégier.
  • La réception doit être formalisée au sein d'un procès-verbal de réception ; elle est expresse.

💡 Si la réception n'a pas pu être formalisée expressément au sein d'un PV de réception, elle peut être considérée comme « tacite », à condition qu'elle résulte d'une volonté réciproque (Maitre d'ouvrage  et entreprises) de réceptionner l'ouvrage. La jurisprudence considère qu'une prise de possession de l'ouvrage par le maitre d'ouvrage, sans restriction, associée à un paiement intégral du prix par le maître de l'ouvrage, vaut réception tacite.

n°1 : Étude des sols et attestation sismique

La nouvelle règlementation en vigueur depuis le 1er janvier 2024 relative aux règles de construction et aux attestations à produire lors d'un projet de travaux a interrogé beaucoup d'architectes : https://www.architectes.org/actualites/regles-de-construction-les-nouvelles-attestations-fournir-depuis-le-1er-janvier-2024

Nous faisons le point sur la nouvelle attestation sismique et sur son corollaire, l'étude de sol.

Étude de sol

Quand est-elle obligatoire ?

Art. L 132-4 à L 132-9 du CCH : lorsque le projet se situe dans une zone exposée aux risques liés aux sols argileux :

  • Le vendeur d'un terrain à bâtir constructible doit réaliser une étude de sol G1 ;
  • Le maître d'ouvrage d'un projet de construction/surélévation/extension d'un immeuble à usage d'habitation ou mixte ne comportant pas plus de deux logements, doit remettre aux constructeurs une étude de sol G2 avant la signature des marchés de travaux.

DTU 13. Fondations superficielles : pour tous les marchés de travaux (privés ou publics, individuels ou collectifs) le maître d'ouvrage doit fournir une étude de sol G2PRO aux entreprises en charge des travaux de fondations spéciales ou semi-profondes.

Quand est-elle vivement recommandée ?

Même si elle n'est obligatoire que pour certains projets et jamais au stade du dépôt de l'autorisation d'urbanisme, il est vivement conseillé de réaliser une étude de sol G2 pour tous les projets de construction/surélévation/extension et rénovation lourde, dans les zones exposées aux risques argileux et/ou sismiques au stade du dépôt de l'autorisation d'urbanisme.

Pour quelles raisons ?

Pour satisfaire à votre obligation de conseil, pour vérifier l'adéquation entre le budget et le coût des travaux, pour limiter les risques de mise en jeu de votre responsabilité liée aux vices du sol (article 1792 du Code civil), pour éviter tout risque de refus d'assurance.

💡Si le maître d'ouvrage refuse de payer cette étude de sol, veillez à matérialiser son refus par écrit en lui rappelant les risques encourus et à lui rappeler que vous ne pourrez pas vous engager sur l'estimation définitive du coût prévisionnel des travaux. Demandez-lui de s'engager à la réaliser avant le démarrage des travaux.

Attestation sismique

Quand est-elle obligatoire ?

Art. L 122-8 à L 122-11 du CCH : elle est obligatoire pour les demandes de permis de construire (et non pas les déclarations préalables) et pour les projets suivants :

  • Pour les travaux de construction neuve/extension/surélévation : application d'un critère de classification du bâtiment (II à IV) et d'un critère de zone de sismicité (zones 2 à 5).
  • Pour les travaux de réhabilitation : application des deux critères précédents plus un critère de seuil des travaux (voir l'art. 3 de l'arrêté du 22 octobre 2010).

Elle est obligatoire au moment du dépôt du permis de construire et à l'achèvement des travaux.

Qui peut l'établir ?

Lors du dépôt du permis de construire, elle peut être établie par un contrôleur technique ou, pour les maisons individuelles, par un constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code civil donc par un architecte.

Lors de l'achèvement, elle peut être établie par un bureau d'étude, par un contrôleur technique ou, pour les maisons individuelles, par un constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code civil donc par un architecte.

Comment la compléter ?

Lien vers les formulaires d'attestation

L'architecte est considéré comme constructeur. 

L'étude de sol n'est pas obligatoire pour l'attestation sismique au moment du dépôt du permis de construire, même si elle est vivement recommandée. Dans ce cas, il convient de cocher la case "pas d'information". Un permis de construire ne peut pas être refusé au prétexte qu'il n'y aurait pas d'étude de sol.

Pour l'attestation à déposer lors de la DAACT, il faudra mettre une réserve si aucune étude de sol n'a été faite.

💡Pour les adhérents MAF, sachez que l'établissement de l'attestation sismique est inclus dans votre couverture d'assurance.

Pour l'attestation à établir à la DAACT, il peut être opportun de la mettre à la charge du lot gros-œuvre.

Ne pas établir une attestation au dépôt de la DAACT si vous n'avez pas suivi les travaux