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Le logement en questions, analyse des projets

Par Béatrice DOLLE, architecte, membre du syndicat de l'architecture - C’est dans un environnement d’ores et déjà sérieusement dégradé que la jeune génération d’architectes interroge la question du logement, comme en attestent les sites ingrats et dénaturés investis par les candidats dans le but de leur donner une seconde vie.
Mis à jour le
28 avril 2024
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TERRA ARTE - 46 logements collectifs en Habitat Participatif

C’est dans un environnement d’ores et déjà sérieusement dégradé que la jeune génération d’architectes interroge la question du logement, comme en attestent les sites ingrats et dénaturés investis par les candidats dans le but de leur donner une seconde vie.

Friches de centres commerciaux, friches industrielles, sols stériles de parkings et zones inondables seraient désormais l’essentiel du foncier disponible.

C’est aussi au recyclage de la ville du XXème siècle qu’ils s’attèlent, avec la réhabilitation de lotissements immenses, de barres et de tours monstrueuses, la reconversion de bâtiments techniques désaffectés, ou la surélévation acrobatique de patrimoine historique protégé.

Les plus timorés prônent un retour à l'ordinaire, transforment l’habitat rural traditionnel de villages désertés, ou tentent de réveiller le désir d’habiter les centres bourgs moribonds.

L’immeuble collectif dense hors-sol - auto-suffisant - l’autarcie

L’obligation écologique de ne plus abîmer les espaces naturels se traduit dans plusieurs projets par une réduction a minima de l’impact des bâtiments sur le sol, avec comme réponses les immeubles de grande hauteur et les constructions sur pilotis.

Il s’agit d’une forme d’habitat hors sol qui s’accompagne d’une conception de bâtiments auto-suffisants et d’un mode de vie maîtrisé et régulé à l’échelle de l’immeuble ou de l’îlot que certains appellent autarcie.

Le logement comme lieu du repli sur soi, est ici étendu à l’immeuble.

Ces projets éludent cependant la question du rapport au territoire au-delà de l’unité d’habitation, la question des déplacements, et plus généralement celle des échanges sociaux.

Habiter c’est aussi produire – donnant donnant

D’autres projets, toujours au nom de la transition écologique, proposent de compenser l’impact environnemental du bâtiment plutôt que de le limiter.

Le bâtiment se doit de produire de la valeur pour la société, et l’immeuble de logements est alors conçu comme un lieu de production d’énergie, d’espace naturel, et d’agriculture.

Concrètement, la végétalisation des bâtiments est omniprésente.

Déclinée de multiples façons, elle est présentée comme porteuse de toutes les vertus sanitaires, environnementales, et également sociétales.

Car l’espace est organisé pour produire du lien social à l’échelle de l’immeuble, conçu pour pouvoir s’y rencontrer, y échanger, et y travailler.

Dès lors il apparaît pour ces jeunes architectes que le logement n’est plus simplement un droit universel, mais qu’il doive participer à un système d’échanges avec un milieu social vivant, sorte de donnant-donnant sur fondement écologique.

On retrouve là appliqués au logement les principes du bio-mimétisme préférés à ceux du transhumanisme et de l‘immeuble augmenté vers lequel poussent les normes constructives.

• L’immeuble collectif comme somme de logements individuels

Toujours au nom de la transition écologique, le refus de l’étalement urbain domine largement parmi les projets, avec une préférence pour l’habitat collectif, dense si possible, et la remise en cause du logement individuel traditionnel sans pour autant le réfuter.

L’immeuble collectif est alors conçu comme une addition de maisons individuelles, dans lequel chaque logement dispose en propre des attributs de la maison individuelle.

Parfois l’expression architecturale force le trait sur l’aspect accumulatif jusqu’à la caricature, avec des images manifestes à l’appui desquelles le texte ne suit pas toujours.

Un vivre ensemble à l’échelle de l’immeuble de propriétaires

De nombreux projets s’intéressent à l’organisation spatiale du logement ou de l’immeuble en proposant toute sorte de systèmes constructifs plus ou moins convaincants de plateaux libres modulables et polyvalents, visant à la flexibilité et à l’évolutivité du logement afin de répondre au mieux aux situations individuelles changeantes des habitants.

L’idée de la réversibilité du logement est également récurrente au nom de laquelle il se voit doté de plusieurs entrées ou encore voit sa hauteur sous plafond modulée pour l’ouvrir à d’autres fonctions.

Certains inventent de nouveaux espaces communs à partager au sein de l’immeuble, tels qu’une chambre d’appoint pour un hôte de passage, des jardins collectifs, des espaces rencontre ou de travail, ou simplement de vastes paliers lumineux.

Autant d’idées généreuses, pourtant aux antipodes des standards de gestion du logement social actuel, pour lesquels chaque recoin ou délaissé d’espace collectif est proscrit car potentiellement porteur de comportements indésirables de la part des locataires.

Il apparaît en effet que la plupart de ces jeunes architectes pensent ici leurs projets pour des habitants propriétaires, aisés et bien intégrés, ouverts à l’expérience d’un nouveau vivre ensemble à l’échelle de l’immeuble, dans une forme d’entre-soi.

À l’opposé peu de projets traitent du logement social en tant que produit de politiques publiques. Ce qu’ils préfèrent appeler « logement pour personnes défavorisées » est abordé par le discours et sans véritable réponse architecturale. Leur référence principale reste la colocation et son très faible loyer. Le statut de locataire est perçu comme une étape transitoire vers la propriété privée, étape qui si elle devait durer, devient alors synonyme de précarité voire de pauvreté.

• L’habitat participatif

Le logement participatif ou coopératif est au centre de plusieurs projets.

Il est présenté comme outil de co-conception, co-construction ou cogestion du logement et de l’immeuble.

Ces projets posent à l’échelle de l’immeuble ou du quartier les règles vertueuses et écologiques d’un vivre ensemble et d’un rapport de l’individuel au collectif, non sans rappeler certaines « coopératives d’habitat non spéculatives » connues en Suisse.

La ville et le paysage

Enfin, s’il n’y avait qu’un message à retenir des 67 projets, ce serait celui de la grande implication de ces jeunes architectes dans la transition écologique à l’œuvre, et leur volonté de concevoir des logements en harmonie avec le milieu vivant qu’il soit urbain naturel ou social.

Ils apportent un regard neuf sur la ville et le paysage, sur l’espace urbain et l’espace naturel, et n’appréhendent pas l’un sans l’autre quelle que soit l’échelle considérée.

C’est l’esprit d’un ensemble de projets fins et sensibles, plus ou moins aboutis, qui travaillent sur le désir d’habiter, sur le plaisir et sur le sensible de l’espace, visant fondamentalement à réconcilier l’homme et la nature, la ville et le paysage.

De toute évidence, ces jeunes architectes sont prêts à mettre en œuvre in situ leurs convictions, à les mettre en architecture.

Encore faut-il qu’ils rencontrent les maîtres d’ouvrages et les citoyens.

 

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Béatrice DOLLÉ, architecte, membre du syndicat de l'architecture

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