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Quelles villes durables ?

Par FRANCE VILLE DURABLE - Avant propos de l'ouvrage collectif "Fabriquer la ville durable" qui expose les grands enjeux de la ville durable et décrit les quatre modèles possibles de ville de demain et précise les spécificités de la ville durable "à la française".
Mis à jour le
13 octobre 2020
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Quelles villes durables ?

(Avant propos de l'ouvrage collectif "Fabriquer la ville durable" qui expose les grands enjeux de la ville durable et décrit les quatre modèles possibles de ville de demain et précise les spécificités de la ville durable "à la française".)
 

Ambition mondiale, démarches expérimentales et décisions locales

Après une première étape qui a permis la reconnaissance du concept de développement durable lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, et devant la confirmation de l’épuisement des ressources de la planète et du changement climatique, l’Organisation des nations unies a adopté en 2015 les 17 objectifs de développement durable (ODD) à atteindre en 2030. Une telle échéance est un véritable challenge justifié par l’urgence climatique dont les rapports successifs du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cessent de démontrer l’évidence avec toujours plus d’acuité, rapports tous disponibles sur le site internet www.ipcc.ch.

2030 c’est demain, surtout lorsque l’on vise des changements économiques et sociétaux majeurs impliquant difficultés d’acceptation par les différents acteurs, délais opérationnels de réalisation et besoin, pour les atteindre, de passer par un renouvellement des pratiques tant au plan économique que sociétal. Or, les spécialistes des sciences cognitives expliquent que le cerveau humain, volontiers installé dans ses habitudes et confronté à la peur du changement, a des difficultés structurelles à intégrer rapidement les bouleversements qui remettent en cause les pratiques dominantes. De surcroît, malgré les efforts des organismes de normalisation, telle l’organisation internationale ISO qui a publié la norme ISO 37101 destinée « au développement durable des communautés », la définition, les indicateurs et la mesure de chaque ODD ne font pas l’objet de procédures et de pratiques reconnues et acceptées par tous. Cette lacune tient principalement à l’absence de systèmes homogènes de management permettant de planifier, mettre en œuvre, vérifier et agir dans un ensemble complexe de politiques et de procédures.

Pourtant, les villes sont devenues les principaux lieux d’habitation : elles comptaient près de 55% de la population mondiale en 2016, leur part dans l’habitat ne cesse de progresser et approchera 70% de la population mondiale et plus de 2,5 milliards de personnes supplémentaires d’ici 2050 selon l’ONU. Le défi démographique se superpose et amplifie le défi climatique, avec une intensité particulière en Afrique et en Asie.


Objectifs de développement durable et mise en œuvre nationale

Tout naturellement, l’un des ODD est dédié aux problématiques urbaines. C’est l’objectif de développement durable n° 11 « Villes et communautés durables ». Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en donne la définition suivante : « Rendre les villes durables signifie créer des opportunités de carrière et d’affaires, un logement sûr et abordable et la construction de sociétés et d’économies résilientes. Cela implique des investissements dans les transports publics, la création d’espaces publics verts et l’amélioration de la planification et de la gestion urbaines de manière participative et inclusive ».

D’autres ODD incluent aussi incontestablement des références urbaines. Par exemple, l’ODD n° 1 « Pas de pauvreté », l’ODD n° 6 « Eau propre et l’assainissement », l’OOD n° 7 « Énergie propre et d’un coût abordable »…

 Les ODD sont devenus la référence du mouvement international qui cherche à formaliser des engagements pour le développement durable, plus ou moins déclinés au niveau de la ville. L’accord de Paris sur le climat de 2015 et l’agenda urbain d’Habitat III en sont deux illustrations au niveau de l’ONU ; l’agenda urbain européen, l’une de celles de l’Union européenne.

Le Grenelle de l’environnement et les nombreuses lois et règlementations qui l’ont suivi tels la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la stratégie nationale bas-carbone, le plan biodiversité, quelques-uns des dispositifs nationaux encadrant les engagements nationaux et leurs modalités d’application.

En France, ces enjeux, reconnus depuis plus de dix ans, sont traduits nationalement dans des démarches à objectifs opérationnels, initiées par l’État en faveur de la ville durable, passant par des labellisations et des actions, ponctuelles ou plus pérennes, telles les écocités, les écoquartiers, les démonstrateurs industriels de la ville durable, et plus récemment les territoires d’innovation. À ces démarches s’ajoutent bien sûr de nombreuses autres initiatives, tant celles des établissements publics nationaux, notamment de l’ADEME, que celles des décideurs locaux qui sont par nature premiers et indispensables.

Au dernier trimestre 2019 le ministère de la Cohésion des territoires indiquait que : « l’aménagement urbain constitue un enjeu prioritaire pour améliorer notre qualité de vie et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est important de construire un modèle de ville verte et durable qui préserve nos ressources, nos paysages et notre territoire pour que chaque citadin bénéficie d’une qualité de vie convenable et des avantages économiques d’une urbanisation maîtrisée. Pour ce faire, un accompagnement de la professionnalisation des entreprises en faveur de l’innovation et un renouvellement des pratiques de production du logement est indispensable »1.


Centralisation versus décentralisation face au développement durable

En France, coexistent pour la ville à la fois un cadre de régulation, des outils d’impulsion et de péréquation issus d’une centralisation millénaire, et une décentralisation en faveur de la décision locale, amorcée par les lois structurantes des années 1980.

Ainsi, la très grande majorité des décisions concernant la ville est prise par un exécutif local, communal ou intercommunal. La ville est planifiée, conçue, construite ou rénovée, exploitée et maintenue à partir de choix effectués localement, tant pour les priorités avancées, que pour les modalités de mise en œuvre qui couvrent tant la construction des infrastructures et superstructures que leur exploitation.

Cette territorialisation doit à la fois permettre la meilleure adaptation possible de la règle au contexte et aux besoins locaux, et garantir l’intérêt de la communauté locale. C’est cette notion d’intérêt général qui justifie la démocratie élective en donnant aux élus la charge du bien commun, et non de la somme des intérêts particuliers. C’est bien sûr cette notion d’intérêt général, qui fonde l’Etat de droit et permet une vie apaisée entre les différentes composantes de la société, grâce à des règles acceptées et respectées de tous.

Cette organisation territoriale donne au pouvoir local la responsabilité de faire évoluer l’espace urbain et de le rendre plus durable, c’est-à-dire adapté aux besoins présents sans compromettre ceux du futur. Les nouvelles politiques urbaines doivent ainsi s’inscrire simultanément dans les trois dimensions du développement durable : respect de l’environnement (auquel on pense toujours lorsque l’on évoque les enjeux de durabilité), mais aussi, prise en compte des dimensions économiques et sociales.


Bouleversements et contexte démographique varié

L’humanité vit, simultanément et à un rythme inédit, trois bouleversements : la transition numérique issue de l’irruption des technologies digitales, le changement climatique et l’augmentation de la population mondiale. Ces bouleversements concernent, le plus souvent directement et parfois indirectement, tous les habitants de la planète.

Transition numérique

Les technologies digitales ont franchi un cap en 2007 avec la création et le développement du smartphone dont la diffusion française et mondiale s’est faite à un rythme exceptionnel. Ainsi, 17% des français disposaient d’un smartphone en 2011 et 75% en 2018 selon Statista. Les usages individuels qu’il a rendus possibles ont bouleversé le quotidien, en particulier les usages et les comportements dans la ville. Toutes les pratiques et services urbains ont été, sont ou peuvent être impactés par les technologies digitales. Pour les identifier le monde économique a lancé le concept de smart city.

Changement climatique

Parallèlement, le changement climatique et la surexploitation des ressources ont entrainé une dégradation de l’environnement, dont la perception a été plus rapide dans les climats extrêmes, chauds ou froids, que sous le climat tempéré de la France métropolitaine.

Le changement climatique semble devenu une évidence pour le plus grand nombre, si l’on en croit les derniers résultats électoraux, les sondages et études diverses. Dans la vie quotidienne, l’impact de ce réchauffement devient perceptible à tous, par exemple avec la difficulté d’usage des bâtiments scolaires en période de canicule, difficulté qui a entrainé le report du brevet des collèges pour la première fois en 2019. De même, depuis quelques années, les agriculteurs voient avancer sensiblement le calendrier des dates de récoltes et les professionnels français du tourisme tant sur le littoral qu’en montagne, sont confrontés à des besoins d’évolution de leurs activités. Tous n’ont pas d’autre choix que d’entrer dans une logique d’adaptation de leurs pratiques.

En première approche, c’est souvent cette dimension environnementale qui est entendue dans le concept de « ville durable ». Pourtant à la réflexion, il est évident que les dimensions économique et sociale doivent lui être associées, car la ville n’existe que par ses habitants et leurs activités. La « ville durable » devient donc une condition nécessaire du futur de la ville.

Évolutions démographiques

En plus de la technologie et du climat, la ville doit composer avec un développement sans précédent de la population. Ces développements sont différenciés selon les pays et les territoires, même si l’urbanisation devient partout dominante.

En France, tant dans l’Outre-Mer qu’en Métropole, les publications de l’INSEE, et notamment l’INSEE Focus n°138 du 17 décembre 2018, révèlent qu’en six ans seulement, entre 2011 et 2016, la population de six grandes aires urbaines françaises hors Île-de-France (Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes et Lyon) s’est accrue de plus de 1,2 % par an, alors que dans la même période l’ensemble de la population nationale croissait trois fois moins vite (+ 0,4 %).

Pourtant la démographie mondiale, comme celle de la France, ne peut se résumer à un développement urbain, voire à une explosion urbaine, bien au contraire. Des évolutions démographiques contrastées continuent de s’opérer, entrainant avec elles des problématiques différentes de développement urbain. De fait, trois contextes se juxtaposent :

– l’explosion démographique, qui induit un fort besoin de développement des territoires urbains avec une artificialisation importante des territoires proches. En France métropolitaine, seules les 6 grandes aires urbaines citées ci-dessus se rapprochent de ce contexte, sans toutefois rencontrer les problématiques la grande majorité des villes africaines ou asiatiques

– une démographie proche de la stabilité, qui nécessite souvent à la fois des développements et des évolutions d’usage des équipements et des infrastructures urbaines et également un besoin important de rénovation et d’optimisation. La date de construction des quartiers périurbains récents donne souvent une relative homogénéité des populations en termes de classe d’âge et donc nécessite une évolution des besoins de services associés

– la décroissance démographique, avec laquelle s’accentuent évidemment les besoins de mutations des usages et de limitation des bâtis entrainant des retours possibles à des espaces naturels, sans omettre la nécessaire mise à niveau des équipements et infrastructures à préserver. Des villes moyennes et petites du Grand Est de la France, telles Châlons en Champagne, St Dizier, Bar le Duc ou Sedan se trouvent confrontées à ce contexte.

Les interactions entre le contexte démographique, les bouleversements induits par les technologies digitales et le réchauffement climatique mettent la ville face à des enjeux nouveaux. C’est pourquoi la décision locale se trouve confrontée à des choix différents et quasi simultanés. Ville durable, ville intelligente, que recouvrent ces expressions ? Quelques approches simplifiées peuvent permettre de caractériser les différentes voies.


Différentes visions pour la ville de demain

À l’évidence, une question s’impose sur la vision de la ville de demain. Est-elle d’abord technologique ou d’abord durable ? La ville durable est-elle dépassée et englobée par la smart city/ville intelligente ou vice versa ? Existe-t-il une contradiction entre les deux acceptions ? De telles questions viennent nécessairement à l’esprit ; la complexité et la variété des réponses qui sont possibles sont démontrées par les nombreux ouvrages ou rapports publiés récemment… et également par les pages qui suivent.

La « smart city » est d’abord naturellement valorisée auprès des décideurs par le double sens en anglais de l’adjectif « smart », qui signifie d’une part « technologique » et d’autre part « intelligent » : Etre maire d’une ville intelligente ou président d’une intercommunalité intelligente apparait comme un beau programme. Mais la « smart city » peut apparaitre aussi comme particulièrement prometteuse pour le monde économique. En effet, elle rend nécessaire une quantité d’équipements et de systèmes qu’il faut déployer, exploiter, maintenir et renouveler.

La ville durable peut difficilement être appréhendée comme un objet unique ou un modèle figé vers lequel tendre, car la ville est toujours en mouvement, faite des activités, des usages et des comportements de la population qui y vit. La notion de ville durable doit donc plutôt renvoyer à un processus de développement et de transformation permanente d’un territoire urbanisé, processus pour lequel le bien- vivre de ses habitants est essentiel.

Il est utile de simplifier et pour cela de caractériser les objectifs d’une ville durable, autour de quatre visions possibles de la « ville de demain ».

« Citta slow »

Issue du mouvement « Slowfood »(2), d’origine italienne, le mouvement « Citta slow » se veut celui des cités du bien-vivre, du temps de vivre et de faire, de la réflexion et de l’échange. Les cités adhérentes sont plutôt de taille réduite (nécessairement moins de 50 000 habitants) et parfois des villages de moins de 1 000 habitants. Souvent détenteurs d’un patrimoine historique et de traditions vivantes, plutôt technophobes, les engagements de leur charte en font des territoires dont l’objectif de durabilité est central. Le mouvement regroupe environ 300 villes membres dont un tiers se trouvent en Italie, un tiers dans le reste de l’Europe (principalement en Allemagne, en Pologne et en Espagne. On dénombre moins de dix collectivités en France) et un tiers dans le reste du monde.

Cette approche, dans laquelle les valeurs de proximité et de qualités humaines se veulent prioritaires, se heurte de fait à un développement économique mondial qui, depuis la première révolution industrielle, a mis l’usage des ressources naturelles au service de son développement. A l’horizon 2030, il est peu probable que la « Citta Slow » puisse se développer à grande échelle et apporter une voie de solution à l’accroissement de la population mondiale.

« Smart city sécuritaire »

Elle fait de la technologie son outil de gestion prioritaire, et elle est d’abord promue et adoptée par des régimes politiques, soit éloignés de la démocratie occidentale, soit en situation de tension extrême. Elle est en général fondée sur la reconnaissance faciale de l’individu et se prévaut de performances très rapides dans ce domaine, en apportant une réponse fiable avec un système totalement intégré dans un délai de moins de deux secondes.

Même si elle pose de nombreuses questions sur son respect des principes de liberté individuelle, elle est devenue une option défendue par certaines villes, y compris dans les démocraties occidentales et notamment en France, comme une réponse à la menace terroriste. Il est vrai qu’elle peut être présentée comme l’outil technologique du principe de précaution en matière de sécurité des personnes et des biens, et probablement la manière la plus rapide pour proposer des réponses, souvent très attendues après un événement douloureux.

Bien sûr, la « smart city sécuritaire » n’apporte pas de réponse en elle-même pour un développement durable de la ville, sauf à considérer que la sécurité publique en est une condition suffisante. Seule, elle ne peut donc pas représenter une réponse à l’enjeu de ville durable, mais les villes qui s’en approchent dans les États démocratiques, tel Israël, lui associent souvent les dimensions environnementales et économiques.

« Smart city servicielle »

La « smart city servicielle » est d’abord développée par les GAFA et est reprise par leurs homologues chinois, qui complètent ainsi leur offre de « smart city sécuritaire ». Elle répond d’abord à une logique de marché en favorisant la multiplication des applications digitales pour tous les types d’usagers, des professionnels au grand public.

De telles applications se sont développées dans beaucoup de services à la population, et notamment la mobilité, l’accès à la culture et aux loisirs et les services en direction de l’enfance. Elles sont diffusées au niveau urbain, en complétant les offres des villes, ou assez souvent en les concurrençant. Pour réussir, ces applications doivent être à la fois fiables et performantes. Elles relèvent d’une démarche de marché et déploient en conséquence un modèle économique, soit devant s’équilibrer par lui-même, soit potentiellement à perte et supportant une autre activité en capacité de dégager une rentabilité forte. Ainsi, ce sont souvent le traitement intelligent des données et le ciblage des intérêts de l’internaute qui fondent le modèle économique implicite des applications digitales sans rentabilité directe.

Ces applications échappent, dans leur majorité, à une régulation locale et se préoccupent d’abord de la satisfaction individuelle de leurs clients, ce qui ne garantit pas la prise en compte de l’intérêt général. A titre d’exemple, une application de guidage pour la mobilité automobile préconise une circulation de transit accrue devant les écoles sans prendre en compte l’accroissement du risque d’accident que cela entraine. Sans régulation sur le fondement de l’intérêt général, la « smart city servicielle » ne pourra pas être une ville « durable », notamment à cause de son positionnement incertain dans au moins de deux des trois dimensions du développement durable : la dimension sociale et la dimension environnementale.

« Matérialité occultée des smart cities »

L’impact spatial et énergétique de la massification des échanges de données et des besoins de stockage est incontestable. Cet impact est dénommé la « matérialité occultée de la ville intelligente », principalement en raison des besoins énergétiques exceptionnels qui sont générés par cette forme de développement urbain (3). L’usage, sans limite ni conscience de ses impacts, de l’internet et du smartphone est la pratique du moment pour de nombreux habitants qui y voient un nouveau mode de vie agréable. Ses conséquences en terme d’impact énergétique et d’épuisement de ressources naturelles rares sont pour l’instant peu perçues et pourtant considérables. Voilà l’un des éléments qui rend la smart city, quelle qu’elle soit, moins durable que des solutions plus soucieuses de l’impact environnemental des usages numériques.

« Ville durable à l’européenne »

La « ville durable à l’européenne » veut donner à la décision locale et à l’intérêt général un rôle majeur au service duquel la technologie n’est pas un objectif, mais seulement un outil de performance et d’optimisation. Dans le cadre européen, une définition (parmi d’autres) de la ville durable à la française peut être fondée sur trois piliers : une tradition urbaine, une méthode de développement urbain et des objectifs pour garantir un développement durable dans toutes ses dimensions.

Le premier pilier, la tradition urbaine française peut se résumer autour de quelques fondamentaux déterminants mais parfois menacés :

  • des décisions publiques locales inscrites dans un cadre règlementaire national, c’est-à-dire une gouvernance locale ;
  • une ville démocratique qui met les citoyens au cœur de son projet, elle est gouvernée dans un cadre juridique qui garantit les libertés individuelles et les droits humains fondamentaux,
  • des savoir-faire spécifiques de l’administration publique, nationale et locale, des experts privés et des entreprises dans tous les domaines de l’urbain.

Le second pilier est la méthode de développement urbain. Elle repose sur des choix structurants visant le plus souvent à préserver l’intérêt général :

  • une planification territoriale décidée au niveau de la gouvernance locale et organisant des perspectives pour faciliter le « bien-vivre en ville » ;
  • un aménagement simultané des infrastructures de base (voirie et tous réseaux) et des superstructures à usage des utilisateurs (bâtiments résidentiels, bâtiments tertiaires et industriels, équipements publics,…) ;
  • une ville autorisée (et non au développement informel), selon des règles locales de forme urbaine, de protection du patrimoine urbain et des ressources naturelles ;
  • une ville conçue et construite en organisant le développement simultané des services urbains fondamentaux (eau, énergie, transports urbains, déchets, santé, équipements scolaires et sociaux…) devenant de plus en plus transversaux et multiples (économie circulaire, mobilité, …),
  • une exploitation continue et homogène de ces services dans tous les quartiers d’une même entité. Enfin, la mise en œuvre de la ville durable nécessite d’atteindre des objectifs permettant de garantir un développement durable dans toutes ses dimensions ;
  • une ville raisonnablement dense et interdépendante qui garde une échelle humaine. Elle est liée aux autres territoires, limite la consommation de l’espace et sauvegarde les ressources naturelles ; – une ville sobre qui promeut l’efficacité énergétique, l’économie circulaire, les circuits courts et réduit son impact sur les émissions de gaz à effet de serre de toutes origines ;
  • une ville inclusive qui évite la segmentation sociale du logement par quartier et facilite également la proximité fonctionnelle notamment entre logement, activités, équipements publics et de loisirs, intégrant ainsi de nouveaux habitants et de nouvelles gouvernances ;
  • une ville attractive, accueillant toutes les formes d’activité économique en garantissant une qualité de vie à ses habitants, en organisant suffisamment d’espaces verts, étant liée à son espace naturel, cherchant à limiter toutes les nuisances (air, bruit, …) et offrant des services d’éducation et de santé, de qualité et pour tous ;
  • une ville résiliente et évolutive. Une ville est résiliente, c’est à dire organisée pour faire face aux crises et aux chocs et retrouver rapidement la voie de l’équilibre après leur impact. La résilience est un concept nouveau dans l’univers urbain mais le réchauffement climatique en fait de plus en plus percevoir la nécessité. Une ville est évolutive car elle doit être capable de se redévelopper sur elle-même selon les besoins de son temps.
  • une ville performante : l’organisation de ses services et leur exploitation sont optimisées par rapport à ses ressources financières qui lui permettent aussi d’investir pour le futur.

 

Atouts de la ville durable

Les évolutions et bouleversements s’enchainent et la capacité d’adaptation du marché et de ses acteurs économiques est beaucoup plus rapide que celle des institutions publiques, des cadres juridiques, et également que la capacité d’adaptation de nombreux habitants.

Les offres et pratiques que le marché privilégie sont souvent celles de la smart city. Il existe une forte probabilité que les solutions de villes à dominante sécuritaire ou servicielle se développent plus rapidement que les solutions de ville durable car elles sont plus faciles à mettre en œuvre. En effet, elles n’impliquent jamais simultanément les dimensions environnementales, économiques et sociales et font le plus souvent l’objet d’une concertation limitée. Ainsi, les solutions de smart cities sont partielles et elles sont notamment, ni inclusives, ni conduites dans l’intérêt général.

Pour faire la différence, la ville durable doit se définir comme inclusive, raisonnable en taille et en densité, utilisant la technologie comme un outil et non comme un objectif.

La ville durable doit être inclusive. Cela se traduit d’abord dans la gestion des espaces et des usages (logements abordables, activités proches de l’habitat, espaces publics partagés et agréables pour tous…), ensuite dans la qualité des infrastructures et services fondamentaux (accès à l’eau, à l’assainissement, à la santé, à la gestion des déchets, à l’éclairage et à la sécurité publique). Enfin, la ville inclusive cherche à privilégier le bien-vivre de tous ses habitants grâce à des décisions locales, soucieuses de l’intérêt général et de la proximité.

La ville durable doit être raisonnable en taille et en densité. Le critère est simple : on doit pouvoir s’y déplacer avec des mobilités actives et douces pour accéder à toutes ses facilités. C’est une ville dont la densité est gérée en fonction du bien-vivre de ses habitants et non de la performance économique de court terme.

Enfin, la ville durable utilise la technologie comme un outil et non comme un objectif. La ville est au service de ses habitants et conçoit le digital d’abord comme un moyen de rendre les services urbains accessibles à tous et sobres.

La bonne coordination de ces trois caractéristiques est un enjeu complexe qui ne pourra trouver sa solution opérationnelle que dans des solutions locales, donc issues de la gouvernance des territoires et adaptées en fonction des contextes locaux.

La ville durable, un chemin désirable

La ville est un processus complexe et permanent, un système organisé qui passe par des étapes multiples, à la fois successives et répétitives. Au-delà de l’exercice introductif de définition et de positionnement, cet ouvrage présente et définit la ville durable en se focalisant autour de :

  • la conception, notamment par la planification, la maitrise du foncier, la structuration des réseaux, etc. ;
  • la réalisation, à la fois par la construction et la rénovation ;
  • l’exploitation, tant des infrastructures que des bâtiments, mais aussi des données de la ville durable ;
  • la vie dans la ville, une ville pilotée au service de sa dimension durable, où le logement joue son rôle d’inclusion, avec des services à la personne, accessibles à tous et relevant le plus souvent possible de l’économie du partage, des mobilités sobres et efficaces et une économie circulaire qui fait de la ville un lieu de réemploi des ressources.

 

 

(1) https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/ville-durable

(2) Créé en 1986 par le chroniqueur gastronomique italien Carlo Petrini, Ce mouvement s’oppose à la standardisation alimentaire.

(3) Diguet C.et Lopez F. (dir.), « L’impact spatial et énergétique des data centers sur les territoires », ADEME, 2019

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