National
Savoirs - Formations - Colloques

La baisse des émissions du secteur du bâtiment reste insuffisante

Le Haut Conseil pour le Climat alerte sur le niveau de performance énergétique "réduit" de la rénovation. Il propose des mesures pour faciliter les "rénovations globales performantes" : unifier les aides, aligner les réglementations thermiques de l'existant avec la RE2020, évaluer les pratiques...
Publié le
, mis à jour le
13 juillet 2022
Image
Températures remarquables en France
Les évènements météorologiques remarquables en France dans le contexte du changement climatique dû à l’influence humaine
© HCC, Météo France, Gaëlle Sutton, 2022 (p.22)

"Un niveau de performance énergétique réduit" pour la rénovation

Dans son rapport annuel « Dépasser les constats – Mettre en œuvre les solutions », le Haut Conseil pour le Climat, organisme indépendant chargé d’évaluer la stratégie du gouvernement en matière de climat, constate un ralentissement des progrès du secteur du bâtiment sur le plan des émissions de gaz à effet de serre, essentiellement à cause de facteurs conjoncturels.

Sur l’année 2021, les émissions de GES du secteur du bâtiment s’élèvent à 75 Mt de CO2eq, soit presque autant qu’en 2019 (-0,7%). Cette stabilité apparente résulte d’une baisse ponctuelle des émissions en 2020, suivie d’une hausse de 5,5% en 2021.

Pourtant, sur la période 2015 – 2018, les émissions du secteur avaient diminué de 1,9 Mt de CO2eq par an, contre seulement 0,2 Mt de baisse annuelle sur la période 2019 – 2021 (voir figure 2.2.1 ci-dessous).

Image
capture_decran_202.png

© HCC, Rapport annuel 2022 (p.62)

Ce ralentissement des progrès s’explique notamment par la crise sanitaire. Les confinements successifs et le télétravail ont conduit à un usage accru du chauffage et de l’électricité dans les bâtiments résidentiels, sans pour autant conduire à une réduction comparable des émissions du tertiaire.

Le HCC souligne néanmoins quelques évolutions positives. Le mix énergétique du chauffage, responsable de 81% des émissions du secteur résidentiel, se décarbone progressivement. Sur les dix dernières années, les consommations finales de fioul et de gaz, deux énergies fossiles, ont diminué, tandis que les consommations d’électricité et d’énergie renouvelables thermiques ont augmenté. Ces évolutions s’expliquent principalement par le déploiement des pompes à chaleur, dont les émissions tendent à être particulièrement faibles. (voir la figure 2.2.4 ci-dessous)

Image
capture_decran_201.png
Evolution des consommations finales d'énergie dans le résidentiel en France
© HCC, Rapport annuel 2022 (p.68)
© HCC, Rapport annuel 2022 (p.68)

Par ailleurs, si le nombre d’opérations de rénovation augmente, elles atteignent néanmoins un "niveau de performance énergétique réduit" d’après le HCC. Cela s’explique par le peu de financements accordés aux rénovations globales, seul mode réellement efficace. La refonte du DPE pour inclure le critère des émissions de GES est une avancée qui devrait conduire à des travaux plus efficaces.

L’élimination des passoires thermiques reste "mal accompagnée", faute de dispositifs d’aides actuels adaptés

Le HCC rappelle que ces progrès, trop timides, sont à mettre en perspective avec la révision des objectifs climatiques de l’Union Européenne dans le cadre du plan Fit for 55, qui vise une réduction de 55% des émissions d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990).  En France, la SNBC-3 de 2023 doit permettre de traduire cette révision dans le droit national.

Pour le secteur du bâtiment, la diminution annuelle constatée des émissions de CO2eq (de 1,9Mt sur la période 2015 – 2018 puis de 0,2Mt sur la période 2019 – 2021) était déjà en deçà de nos objectifs actuels (une réduction attendue des émissions entre 3Mt et 4Mt par an).

Quant à la rénovation énergétique, le rehaussement des objectifs doit s’accompagner d’un rehaussement des moyens : « faute de pérennisation des financements publics au-delà de 2022, le déploiement d’un programme ambitieux et pérenne de rénovation n’est toujours pas garanti », souligne le HCC.

Enfin, atteindre les objectifs climatiques impliquerait de réviser des dispositifs existants. D’une part, la RE2020 devra s’adapter à la révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments. D’autre part, l’élimination des passoires thermiques est une priorité, dans la mesure où "elle représente à elle seule la moitié de l’effort nécessaire pour atteindre l’objectif de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en matière de consommation énergétique du secteur du bâtiment". Pour les experts, cette élimination reste toutefois hors de portée pour l’instant, étant "mal accompagnée par les dispositifs d’aide actuels".

Les recommandations clés pour décarboner le secteur du bâtiment

Afin d’aligner la politique de la France avec ses objectifs, le HCC émet dans son rapport annuel une quinzaine de recommandations pour le secteur de la construction, structurées autour de six grands enjeux :

  1. Réorienter la rénovation vers des parcours de rénovations globales performantes, la politique actuelle de soutien à la rénovation par « mono-geste » étant inefficace : unifier les dispositifs d’aides MaPrimeRénov’ et des certificats d’économies d’énergie (CEE), soutenir prioritairement les opérations de rénovation qui maximisent les économies d’énergie, etc.
  2. Renforcer l’accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique, afin de les protéger des fortes variations de prix de l’énergie et les sortir de la précarité énergétique : renforcer le dispositif du chèque énergie selon des modalités anticipant les risques de hausse de coût, et accélérer "durablement" l’accompagnement "dans les parcours de rénovation globales performantes", avec des aides visant un reste à charge nul pour les ménages les plus précaires.
  3. Conditionner les aides publiques pour la transition énergétique à l’exigence de résultats et au parfait achèvement des travaux engagés pour les constructions neuves et la rénovation, de sorte à obtenir de réels gains sur la performance énergétique et environnementale des bâtiments. Pour cela réaliser une évaluation annuelle de l’efficacité des dispositifs d’aides "avec une estimation des réductions de consommations énergétique effective et des émissions relatives aux coûts", etc.
  4. Renforcer la formation des professionnels de la filière du bâtiment, face à la massification nécessaire des travaux de rénovation globale performante (installations de systèmes énergétiques, construction neuve BBC, rénovation thermique, etc.)
  5. Mettre en œuvre et consolider la RE2020 pour une cohérence d’ensemble du secteur du bâtiment : aligner les réglementations thermiques sur l'existant avec la RE2020 à l’horizon 2030, conditionner les dispositifs de soutien à la construction neuve aux objectifs de la loi Climat et Résilience "sur les zones déjà urbanisées en intégrant le Zéro artificialisation nette", évaluer annuellement les pratiques de la construction neuve pour ajuster les évolutions de la RE2020 et les dispositifs d’aides en cohérence avec les objectifs de décarbonation et de transition juste, etc.
  6. Accroître fortement le potentiel des réseaux de chaleur en intégrant au moins 75% d’énergies renouvelables :  un tel accroissement représente un levier important pour la décarbonation du chauffage. 

Pour en savoir plus :

Partager

Commentaires