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Alors que la population des hirondelles a chuté de 23 % en vingt ans, les architectes disposent de solution pour inverser la tendance et permettre une meilleure cohabitation avec ces oiseaux.
L’hirondelle de fenêtre vit… aux fenêtres. Cette tautologie souligne une idée moins évidente : le lien entre architecture et habitat ne se réduit pas aux seuls humains. Les animaux habitent eux aussi le monde que nous construisons.
Les façons dont nous affectons la vie, aussi bien animale que végétale, lui sont, dans une très large partie, néfastes. Pollution, changement climatique, déforestation, destruction des habitats, chasse, fragmentation des territoires… Nous mentionnions déjà ces causes — toutes liées aux activités humaines — de l’une des plus larges extinctions de masse de l’histoire de la Vie sur Terre dans un précédent article sur le martinet noir.
Mais toutes nos interactions avec le reste du vivant ne sont pas destructrices. Certaines sont bénéfiques, voire symbiotiques ou mutualistes. C’est par exemple le cas pour les hirondelles de fenêtre.
D’une part, nous leur rendons service, puisqu’elles construisent leurs nids sur nos bâtiments. Ces nids sont faits avec de petites boulettes de boue, à l’abri des intempéries, et se trouvent le plus souvent entre le 2e et le 4e étage, sous des débordements architecturaux ou dans des embrasures de fenêtre.
D’autre part, les hirondelles nous rendent service. Elles peuvent manger des centaines de moustiques par jour par exemple, quand ils sont de plus en plus porteurs de maladies, avec la prolifération du moustique tigre notamment. Pour tirer parti de cette relation mutuellement bénéfique, le Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon a développé une politique de lutte contre la prolifération des moustiques en installant des nids pour les hirondelles et les martinets.
Plus largement, les hirondelles contribuent à la bonne santé des écosystèmes urbains, sources de bienfaits matériels comme la nourriture, l’assainissement de l’air et de l’eau, etc. ; et de bienfaits culturels, comme la possibilité d’entendre le chant des oiseaux ou de profiter d’un parc dans lequel il y a de la vie.
Le philosophe Baptiste Morizot parle d’alliance objective pour décrire cette interaction. Sans qu’humains ni hirondelles de fenêtre ne cherchent directement à s’entraider — évidemment, nous ne pouvons pas passer de contrat avec les hirondelles — nos comportements respectifs conduisent à des services mutuels.
Aujourd’hui, cette alliance entre humains et hirondelles de fenêtre se délite. Entre 2001 et 2019 en France, leur population a chuté de 23 %. Sur la même période en Île-de-France, elle s’est effondrée de 90%. En cause, l’artificialisation des sols, l’agriculture intensive, la faible présence d’espaces verts propices au développement des insectes, la faible disponibilité de matériaux humides et de boue pour construire les nids, ou encore la destruction des nids.
Les architectes ont des clés à leur disposition pour inverser la tendance, et ce à plusieurs niveaux. Un premier axe, le plus évident, est de préserver les nids existants. Pour éviter de détruire les nids lors de ravalements de façade par exemple, des solutions plutôt faciles à mettre en œuvre existent : installer des caissons en bois autour des nids pour les protéger ou utiliser des filets et bâches discontinues sur les échafaudages pour permettre aux oiseaux de passer.
Plus difficile, mais crucial, est d’éviter le déclenchement de travaux en début de période de ponte, c’est-à-dire en mai. Une fois que les œufs sont pondus, détruire un nid revient à détruire avec lui la prochaine génération d’hirondelles.
La politique de rénovation globale de l’ensemble des logements va conduire à la pose de nombreuses isolations thermiques par l’extérieur. Là, la préservation des nids n’est plus toujours opportune : ils peuvent conduire à des ponts thermiques, et les nuisances liées aux travaux peuvent pousser les hirondelles à abandonner les nids. Il s’agit donc plutôt de compenser autant que possible les dégâts.
Plusieurs pistes existent. L’installation de nouveaux surplombs, de bandes rugueuses ou d’amorces de nids (comme des clous dans le mur) crée des endroits propices pour coller la boue et construire des nids. Quitte à rénover l’habitat pour les humains, autant le rendre plus accueillant pour les hirondelles d’un même geste.
Puisque les nids sont en boue, il ne s’agit pas que de créer des endroits propices pour les construire. Il faut aussi des matériaux de construction disponibles à proximité. Un coefficient de biotope par surface plus important dans les opérations d’aménagement peut être propice à la boue.
Enfin, des actions pro-hirondelles peuvent aussi être favorables aux humains directement. Le gouvernement a lancé une politique de rénovation des écoles, collèges et lycées, avec des dizaines de millions d’euros de crédits d’ingénierie distribués. Les architectes chargés de ces projets peuvent en profiter pour transformer les cours d’école bitumées en oasis urbaines, en îlots de fraicheur, avec de la pleine terre, de la végétation, et même installer des bacs à boue. Certes ils nécessitent un entretien, mais les enfants peuvent s’en charger s’ils sont intégrés à la pédagogie, et ainsi apprendre à vivre avec les hirondelles.
Les architectes sont les acteurs incontournables d’une politique de rénovation transversale alliant au sein d’un même projet confort d’été comme d’hiver, adaptation au changement climatique, préservation de la biodiversité, jeu et apprentissage.
NB. Rappelons que les hironedelles sont une espèce protégée au titre de l’article L411-1 du Code de l’Environnement et que la destruction des nids qui peut être puni de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende (article Article L415-3).
Cet article s’inscrit dans le cadre de la participation de l’Ordre des architectes au projet Rénovation du bâti et biodiversité et du programme Nature en ville lancés par la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO).
ARCHITECTE ou société d’architecture
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