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Communiqué

Vers une culture du sol chez les architectes : l’urgence d’une transition foncière et écologique

Les sols ne sont plus de simples supports à bâtir. Ils doivent aujourd’hui être au cœur des préoccupations écologiques, agricoles, sociales et urbanistiques. À l’heure de la sobriété foncière et de la nécessaire renaturation, les architectes sont appelés à repenser leurs pratiques, intégrer les dynamiques du vivant et co-construire une nouvelle culture du sol.

Publié le
, mis à jour le
2 juin 2025
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L’urgence d’une transition foncière et écologique

L’urgence d’une transition foncière et écologique

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Une ressource stratégique, mais menacée

60 % des sols européens sont en mauvaise santé. Chaque année, 400 km² sont artificialisés dans l’UE, à un rythme déconnecté des besoins démographiques. Pourtant, les sols jouent un rôle essentiel : régulation de l’eau, stockage du carbone, filtration des polluants, biodiversité, production alimentaire…

À l’occasion du Forum de la transition foncière, organisé le 15 mai à Sciences Po et auquel participait le CNOA, les intervenants ont rappelé que les sols sont historiquement au cœur du projet européen – de la CECA à la PAC. Quand la première organisait l'extraction des ressources des sols, la seconde organisait leur exploitation. Pourtant, leur gouvernance reste morcelée. La future directive européenne sur la santé des sols, en cours de négociation, pourrait représenter un tournant.

Michel Barbero, responsable à la Commission européenne, a insisté : cette directive devra s’inspirer des meilleures initiatives portées localement dans l’Union.

Comprendre les sols pour mieux agir

Lors d’une matinée de recherche organisée en mars, à laquelle le CNOA était également présent, chercheurs et praticiens ont mis en lumière la complexité des sols.

Pour Agrippa Leenhardt, architecte-urbaniste, il faut dépasser l’approche foncière : nous avons hérité d’une vision moderne du sol comme simple support, or il convient désormais de concilier écologie, économie et usages.

Dans un projet expérimental à Dreux, l’intégration d’un pédologue à l’équipe de maîtrise d’œuvre a permis de repenser l’ensemble du projet. L’étude du sol a révélé un risque de pollution des eaux lié à l’artificialisation en entrée de ville. En prenant en compte les mouvements de sédiments et les circulations d’eau, le projet a pu être redéfini, limitant les impacts et optimisant les coûts.

Des outils en développement

Pour accompagner cette évolution, plusieurs outils sont en cours d’élaboration. La chaire Transition foncière développe un référentiel de renaturation, un bilan d’opération foncière, ainsi qu’un diagnostic des sols au moment des ventes. Objectif : intégrer la qualité des sols dans les documents d’urbanisme et les bilans économiques, pour replacer le ménagement au cœur de l’aménagement.

À l’échelle européenne, le projet Soil Health Benchmarks porté par l’INRAE prévoit une stratégie commune d’échantillonnage, un tableau de bord numérique et des outils adaptés à différents publics : citoyens jardiniers comme professionnels de l’aménagement.

Architectes, acteurs de la transition

Les architectes sont confrontés à un double défi : construire sans consommer de nouveaux espaces, densifier sans abîmer, réhabiliter sans négliger les sous-sols.

Lors du Forum du 15 mai, Laurence Fortin L’Hour, vice-présidente de la Région Bretagne, appelait à passer du "maire bâtisseur" au "maire réaménageur". Pour les architectes, il s’agit de devenir des "ménageurs de territoire", selon l’expression de Jérémy Camus, vice-président de la Métropole de Lyon.

Repenser l’architecture à partir du sol, c’est adopter une approche de long terme, respectueuse des cycles naturels. Jean Guiony, président de l’Institut de la transition foncière, l’a rappelé : un sol se régénère en décennies, parfois en siècles. C’est un patrimoine non renouvelable qu’il faut apprendre à ménager.

Un changement systémique

Changer notre rapport aux sols engage bien plus que les seuls architectes : cela suppose de repenser les modèles économiques des collectivités, les pratiques agricoles, les politiques d’aménagement, mais aussi la formation des concepteurs.

Comme le souligne le professeur Xavier Desjardins, "la sobriété foncière permet de parler de tout. C’est un levier de transformation systémique".

L’Ordre des architectes entend accompagner cette transformation. Comprendre les sols, les intégrer dans les projets, en faire un moteur de conception : c’est un défi, mais aussi une opportunité pour une nouvelle culture architecturale — enracinée, vivante, durable.

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