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Réglementation - Juridique

Actualisation, révisions... tout savoir sur les variations de prix en période de crise

Face à la situation de crise actuelle, la question du niveau des prix des marchés de travaux est hautement sensible. Afin d'aider les architectes dans leur rôle de conseil, le CNOA propose une analyse des conditions de variation des prix et des recommandations pratiques.
Publié le
, mis à jour le
17 avril 2024
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Chantier de construction Bois
Chantier de construction
(CC0 Domaine public)

La conjoncture complexe que rencontrent aujourd’hui les entreprises de construction et la maîtrise d’œuvre a des impacts significatifs sur la conduite des projets.

Les conséquences de la crise sanitaire se sont fait sentir très rapidement dans le cours de l’année 2020, dans les chaînes de production de nombreux secteurs. Depuis les matières premières jusqu’à leur transformation, leur transport, puis leur distribution, les répercussions sont multiples : dans une chaîne, chaque maillon faible, voire manquant, impacte l’ensemble du processus : au final certains matériaux manquent sur les chantiers, arrivent tardivement et à prix fort. Si la crise sanitaire nous semble aujourd’hui appartenir au passé, il ne nous faut pas oublier qu’elle est en fait encore d’une actualité brulante : en Chine, les confinements ont été réactivés il y a quelques mois, et les déconfinements ne se font encore aujourd’hui qu’à pas comptés. Depuis la fin février 2022, la guerre en Ukraine a ouvert un nouveau niveau de difficultés, dont les suites économiques sont aujourd’hui encore difficilement prédictibles.

Tous ces déréglements créent des situations de pénurie dans lesquelles l’offre est inférieure à la demande, occasionnant ainsi un retour de l’inflation.

Cette situation crée de fortes incertitudes sur les prix qui sont pratiqués dans les marchés de travaux ; en effet, entre le temps du devis, le temps de l’attribution, puis le temps de la commande des matériaux et de l’exécution, de longs mois – voire plus - peuvent s’écouler.

Les clauses contractuelles de révisions de prix, qui permettent lors de la réalisation effective des travaux de recalculer leur valeur facturable en tenant compte des index édités par l’INSEE sont conçues pour faire face à cette difficulté économique.

Dans les faits, si de nombreux professionnels – dont les architectes - constatent qu’elles ne sont pas toujours à la hauteur des augmentations rencontrées, elles sont toutefois le premier rempart directement accessible face à cette difficulté.

En choisissant une formule de contrat à prix révisable, les deux parties contractantes s’en remettent à une tierce partie objective (l’INSEE et par là même l’Etat) pour arrêter le niveau des révisions de prix applicables lors de la facturation. Cette formule a pour avantage d’éviter aux entreprises d'avoir à faire des paris sur la valeur future de leur prestation, et au maître d’ouvrage de surpayer une marge provisionnée par l’entreprise pour couvrir un risque – par nature non prévisible.

Depuis plus de dix ans, le monde de la construction s’était habitué à une situation de niveaux de prix subissant de faibles fluctuations. Par exemple, si l’index phare de la construction, le BT01,  était en janvier 2010 à une valeur de 96,3 (compte tenu du coefficient de raccordement de 2014) il n’était en janvier 2021, dix ans plus tard, qu’à une valeur de 111,8, en augmentation somme toute très modérée de 23% en 10 ans (soit environ 2% par an).

Dans ce  contexte, la question des révisions de prix est restée un enjeu économique marginal dans la passation des marchés de travaux, incitant une partie des maitres d’ouvrage (privés notamment) à contracter sur la base de prix fermes, donc non soumis à révisions lors de leur facturation, ce qui restait un risque acceptable pour les entreprises.

La position du maître d’œuvre dans ce débat n’est pas neutre ; en effet, dans bon nombre de contrats (et en tous cas dans tous les contrats publics), le maître d’œuvre est missionné pour accompagner le maitre d’ouvrage dans la rédaction des conditions administratives d’exécution des marchés de travaux, en donnant un avis éclairé sur la rédaction notamment des Cahiers des Clauses Adminsitratives Particulières (CCAP) des marchés de travaux.

Face à la situation de crise que nous traversons, la question du niveau des prix est hautement sensible. Dans le cadre de sa circulaire* de mars 2022, Jean Castex avait demandé expressément à ce que les nouveaux contrats publics soient passés avec une clause dé révision de prix. La commande privée reste pour sa part libre de contractualiser dans les formes qui lui conviennent.

Dans le cas où un maître d’ouvrage souhaiterait aujourd’hui passer un marché à prix ferme, il doit considérer que l’entreprise qui remet une offre devra inclure dans son prix une marge de risque, compensant l’absence de révisions, dont le montant peut être par définition adapté… ou pas. Une telle incertitude peut être source de conflits entre maitrise d’ouvrage et entreprises : si les prix venaient à s’écrouler, autant que s’ils devaient augmenter encore plus qu’imaginé (par exemple du fait de la guerre en Ukraine et de ses conséquences économiques non encore mesurées…), de fortes tensions pourraient apparaitre entre co-contractants.

Dans ce contexte, l’architecte, notamment lorsqu’il est explicitement missionné sur ce point (mission « AMT » ou « ACT »), sera amené à informer objectivement le maître d’ouvrage sur les conséquences des conditions administratives qu’il retiendra ; entre une révision de prix qui apaise les relations entre les parties et un marché à prix ferme qui sera nécessairement source d’inquiétudes et de probable tensions, il devra toujours bien contextualiser les choix envisagés, leurs avantages, leurs inconvénients et leurs risques respectifs.

Si la décision revient quoi qu’il en soit au maître d’ouvrage, il faudra que le devoir de conseil ait été clairement exercé.

Pour ce faire, et donner à chaque architecte une base de connaissances solides sur le sujet, nous vous proposons de revoir les diverses conditions de variation des prix dans les marchés de travaux, dans la note juridique qui suit.


Thierry Nabères, trésorier adjoint du Conseil national de l'Ordre

 

Circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières

 

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Note - La variation des prix dans les marchés publics et privés de travaux
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