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Réglementation - Juridique

Marchés publics : l’action de l'Ordre validée par le juge administratif

Le juge administratif vient de réaffirmer la capacité d’un CROA à contester l’attribution de marchés publics de maitrise d’œuvre, à condition que les intérêts de l’ensemble de la profession soient lésés et que les irrégularités relevées soient suffisamment graves.

Publié le
, mis à jour le
16 mai 2024
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Jurisprudence
(CC0 Domaine public)

Conformément à l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, le Conseil national et le Conseil régional de l'Ordre des architectes ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d'architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par les lois et règlement.

En matière de marchés publics, cette capacité d’ester en justice doit être couplée avec les conditions imposées à un tiers pour contester la validité des modalités de passation et des clauses d’un contrat public, telles qu’elles ont été renforcées par la décision du Conseil d’Etat, Département de Tarn et Garonne du 4 avril 2014. Les tiers peuvent ainsi contester une procédure à condition d’une part de prouver qu’ils sont susceptibles d'être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du contrat ou ses clauses, et d’autre part que les vices relevés soient particulièrement graves ou en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent.

Consécutives à deux actions portées par le Conseil régional de l’ordre des architectes de Lorraine, deux décisions récentes de la Cour administrative d’appel de Nancy sont venues illustrer les conditions de recevabilité d’un recours porté par un tiers.

  • Dans une première affaire concernant l’attribution d’un marché de maitrise d’œuvre pour la construction d’une caserne de gendarmerie à Raon-l’Etape, le CROA contestait notamment le recours à une procédure adaptée, estimant que le montant des honoraires prévisionnels aurait dû conduire à la passation d’un concours. La Cour, constatant que 16 des 19 groupements avaient déposé une offre située en dessous du seuil de l’époque de 207 000 € HT, a rejeté la requête du CROA considérant que le choix de la procédure adaptée ne pouvait être regardé comme ayant lésé ses intérêts. Le juge ne considère pas ici la requête du CROA comme irrecevable en soi, mais estime que les vices allégués étaient insuffisants pour y faire droit. (CAA Nancy, 28 décembre 2017, Commune de Raon-l’Etape, N°16NC01207)
     
  • Dans une deuxième affaire ayant pour cadre un MAPA portant sur la maitrise d’œuvre d’un complexe sportif à Vigy dans le département de la Moselle, le CROA Lorraine contestait cette fois-ci l’insuffisance de publicité. En s’appuyant sur l’article 28 du Code des marchés publics alors en vigueur, la commune avait estimé les honoraires de maitrise d’œuvre à moins de 90 000 € HT et s’était bornée à adresser une lettre de consultation à 3 agences d’architecture situées dans la région alsacienne limitrophe. La Cour a jugé que ces mesures n’ont pas permis de garantir une publicité suffisante au regard de l’objet du marché et qu’elles ont eu pour effet de restreindre artificiellement l’accès des architectes à ce marché. Le juge rappelle ainsi qu’en matière de maitrise d’œuvre, l’acheteur ne peut se contenter d’une consultation directe de quelques opérateurs et doit privilégier des modalités de publicité permettant une diffusion plus large. Parce que la restriction de l’accès des architectes à une consultation rentre dans les intérêts défendus par un conseil régional de l’ordre et que le vice est suffisamment grave, la Cour fait ici pleinement droit à l’ensemble des demandes et annule le marché de maitrise d’œuvre attribué par la commune. (CAA Nancy, 28 décembre 2017, Commune de Vigy, N°16NC01209)

Ces deux décisions s’inscrivent dans une ligne jurisprudentielle désormais bien dessinée par les juges du premier ressort en matière d’intérêt à agir d’un Conseil régional de l’Ordre. Ce dernier est fondé à attaquer un marché quand, dès la publication du marché, il est possible de prouver que les conditions de mise en concurrence affectent les modalités d’exercice de la profession et limitent artificiellement la concurrence entre architectes.

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