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Réglementation - Juridique

Un nouveau régime pour les règles de construction

Rendu applicable par un décret du 30 juin 2021, le nouveau livre Ier du code de la construction et de l’habitation substitue une logique de résultats à atteindre à la logique de moyens qui prévalait jusqu’à présent et ouvre une voie pérennisée pour déroger aux règles de construction.
Publié le
, mis à jour le
1 mai 2024
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Préfecture du Nord à Lille - Pattou Tandem, Inha'rchitects arch.
(© photo : architecte / source : Archicontemporaine.org)

Suite à la publication au Journal Officiel du décret n° 2021-872 du 30 juin 2021, le nouveau livre Ier du code de la construction et de l’habitation est pleinement applicable, marqué par une nouvelle approche du respect des règles de construction applicables en bâtiment. 

L’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 dite ESSOC II, incluant les dispositions législatives du nouveau livre Ier du code de la construction et de l’habitation (CCH), est entrée en vigueur le 1er juillet 2021. La structure de ce livre, qui concerne la construction, l’entretien et la rénovation des bâtiments, a été profondément réorganisée mais aussi remaniée sur le fond. Désormais divisé en neuf titres, son volume a été réduit d’un quart par rapport à la version précédente. Le décret du 30 juin 2021 vient parachever ce nouveau livre Ier avec les dispositions réglementaires associées.

Un point d’entrée par les définitions

Le CCH débute désormais par un article exhaustif permettant de définir les notions mobilisables pour son application. On notera ainsi quelques définitions remarquées dans le nouvel article L. 111-1 du code de la construction.

Le bâtiment est pour la première fois défini légalement comme un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain. Cette définition est sensiblement différente de celle qu’avaient esquissé le lexique national d’urbanisme ou la jurisprudence (Conseil d’Etat, 20 mars 2013 Epoux B, req. n° 350209) qui retenaient plutôt la notion de construction couverte et close.

Ce même article définit par ailleurs le bâtiment réversible comme celui dont la conception permet d'en changer l'usage, partiellement ou totalement, sans qu'il soit besoin de procéder à une rénovation importante ou une reconstruction.

L’ensemble du vocabulaire lié à la conception des règles et aux modalités de leur respect par les intervenants dans la construction est aussi intégré à cet article L. 111-1 : champ technique, objectif général, règle de construction, résultat minimal, solution technique.

Un nouveau principe d’écriture pour les règles de construction

Car il faut surtout relever de cette refonte un changement de cap dans l’écriture et le respect des règles de construction incluses dans ce livre Ier. De manière générale, le nouveau livre Ier du CCH substitue une logique de résultats à atteindre à la logique de moyens qui prévalait jusqu’à présent.

Précisons d’emblée que les mécanismes utilisés pour concevoir et respecter les règles ne s’appliquent qu’au champ des règles générales de construction établies dans ce CCH, à l’exclusion d’autres règles de construction qui peuvent être mobilisés lors d’une opération de travaux et font l’objet d’une référence contractuelle, notamment les normes d’application volontaire ou celles liés à l’obtention de labels ou certifications diverses.

Les principes fondateurs sur lesquels reposent désormais les règles de construction sont définis aux articles L. 112-1 à L. 112-4 du code de la construction et de l’habitation :

  • chaque solution technique respecte le ou les objectifs généraux, définis dans la partie législative, pour le champ technique dans lequel elle est mise en œuvre ;
  • lorsque des résultats minimaux sont fixés, le respect de l'objectif général est justifié par la preuve, par champ technique considéré, que ces résultats minimaux sont atteints ;
  • si une solution technique définie réglementairement permet d'atteindre ces résultats minimaux, sa mise en œuvre prouve que ces résultats sont atteints et l'objectif respecté ;
  • lorsqu'aucun résultat minimal n'est fixé, le respect d'un objectif général est justifié par le recours du maître d'ouvrage :
    • soit à une solution de référence : solution technique définie par voie réglementaire qui, dès lors qu'aucun résultat minimal n'est fixé, s'impose au maître d'ouvrage pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de respecter l'objectif général assigné dans le champ technique considéré, sauf à recourir à une solution d'effet équivalent ;
    • soit à une solution d'effet équivalent (SEE) : solution technique pour laquelle la justification du respect des objectifs généraux assignés dans un champ technique est apportée par le maître d’ouvrage, qui doit disposer en amont de sa mise en œuvre d’une attestation de respect des objectifs délivrée par un organisme tiers.

Une voie pérennisée pour déroger aux règles de construction définie dans le CCH

Le CCH permet au maître d’ouvrage (MOA) de faire réaliser une partie des travaux en se fondant sur une solution technique alternative à une solution de référence définie réglementairement. Ce droit d’expérimenter est envisageable sous réserve d’une part que cette solution d’effet équivalent respecte l’objectif général défini légalement et d’autre part que le maître d’ouvrage l’inscrive dans un processus d’attestation et de contrôle bien établi. 

Le principe général du dispositif de solution d’effet équivalent est le suivant : tout maître d’ouvrage d’une opération de construction peut être autorisé à mettre en œuvre des solutions alternatives à la réglementation en vigueur. Pour cela :

  • le MOA doit prouver qu’il atteint les mêmes résultats que la solution de référence (inscrite dans la réglementation) et faire valider sa justification par un organisme compétent et indépendant du projet qu’il choisit. Le régime prévu pour les attestateurs est transitoire. Peuvent ainsi délivrés une attestation :
    • jusqu’au 31/12/2023 : CSTB, CEREMA, Contrôleur technique + BET hautement qualifié pour certains champs techniques + laboratoires agréés pour la sécurité incendie)
    • à partir du 1er janvier 2024 et après publication d’un arrêté : CSTB, CEREMA, Contrôleur technique + Tout organisme bénéficiant de la certification SEE + Laboratoire accrédité SEE pour la sécurité incendie
  • l’attestation de respect des objectifs doit être produite en même temps que la demande d’autorisation d’urbanisme si l’opération le nécessite, ou au plus tard avant le démarrage des travaux si l’opération n’est pas soumise à une autorisation d’urbanisme ;
  • un contrôleur technique, distinct de l’organisme attestateur, vérifiera la bonne mise en œuvre de la solution d’effet équivalent, et le cas échéant, délivrera une attestation confirmant la mise en œuvre ou précisera les motifs qui font obstacle à la délivrance de l’attestation ;
  • le maître d’ouvrage reste libre de renoncer à la mise en œuvre de la SEE. Dans ce cas il doit en informer l’administration.

La procédure de SEE fait l’objet d’une procédure de contrôle / sanction spécifique dans le cadre du contrôle des règles de la construction, pouvant durer jusqu’à 6 ans après livraison.

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Quelques conseils pratiques dans la mise en œuvre d’une solution d’effet équivalent

  • prendre connaissance du Guide d’application édité par le ministère de la Transition Ecologique : Guide d’application du nouveau Livre Ier du code de la construction et de l’habitation et du dispositif de « solution d’effet équivalent
  • la mise en œuvre d’une SEE doit être clairement anticipée du côté de l’architecte qui proposerait à son client de recourir à une telle solution technique lors de la conception de son projet : le dialogue préalable avec le maître d’ouvrage, la vérification de la faisabilité technique de la SEE, l’obtention de l’attestation de respect des objectifs, sont autant d’étapes à prendre en compte pour maintenir le calendrier de l’opération de l’opération et son équilibre financier;
  • la SEE doit faire l’objet d’une analyse préalable en matière assurantielle ;
  • durant l’ensemble de l’opération, l’architecte est invité à documenter les échanges conduits avec ses partenaires et les parties prenantes sur la conception et la mise en œuvre de la SEE

>> Pour en savoir plus

Code de la construction et de l’habitation sur Légifrance
- Ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 dite ESSOC II
- Décret n° 2021-872 du 30 juin 2021 recodifiant la partie réglementaire du livre Ier du code de la construction et de l'habitation et fixant les conditions de mise en œuvre des solutions d'effet équivalent

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Commentaires

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Blablabla... 'Contrôleur technique' (responsabilité en cas de sinistre?) et l'Ordre donne son aval en publiant ça sans sourciller. De tout temps les prestations intellectuelles (médecins, avocats, architectes) étaient soumises à une obligation de moyens. Et voici que l'on y substitue une obligation de résultats.

Quid en cas de 'sinistre' (=non obtention du résultat annoncé) facile à prévoir (fenêtres ouvertes chauffage ou clim à fond, ventilations obstruées...)?

L'architecte, encore et toujours, plongera. Mais personne d'autre. Qui a jamais vu un BET, un CSPS, un ABF, un Préfet, un service instructeur, bref le moindre 'contrôleur' supposé nous 'assister', à la barre?

Merci.