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Qualité architecturale des logements sociaux

Les propositions de la MAF - « La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. » En 43 ans, le premier article de la loi sur l’architecture n’a pas pris une ride. La crise sanitaire vient de le rappeler durement aux Français : une terrasse ensoleillée, une pièce en plus, un balcon assez large pour y déjeuner, un toit collectif végétalisé et accessible… ne sont pas les dépenses inutiles de leurs logements. Ils sont devenus vitaux.
Mis à jour le
28 avril 2024
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74 logements en accession sociale à la propriété et locatifs, à Clermont Ferrand

« La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. » En 43 ans, le premier article de la loi sur l’architecture n’a pas pris une ride. La crise sanitaire vient de le rappeler durement aux Français : une terrasse ensoleillée, une pièce en plus, un balcon assez large pour y déjeuner, un toit collectif végétalisé et accessible… ne sont pas les dépenses inutiles de leurs logements. Ils sont devenus vitaux.

Par ses composantes sociale, économique et environnementale, l’architecture est au cœur de nos vies ; au cœur du développement durable de notre société. Pourtant, l’architecture est encore trop souvent perçue comme un luxe. Et l’architecte comme un surcoût : sa présence sur les chantiers de logements sociaux est désormais facultative et son rôle face aux grandes entreprises est affaibli dans les contrats globaux.

Il est temps de relancer l’entreprise d’architecture. Et avec elle, d’encourager le développement d’une maîtrise d’œuvre forte. Trois priorités s’imposent pour atteindre cet objectif : réaffirmer son indépendance vis-à-vis des entreprises ; renforcer le leadership de l’architecte accompagné par les ingénieries ; et former davantage la maîtrise d’œuvre à la spécificité de la production des logements.
 

1. L’entreprise d’architecture solide et indépendante

  • L’architecture – et de surcroît celle du logement social – est une composante du développement durable : tout comme sa production, la maîtrise de son impact sur l’environnement, sa qualité d’usage et ses charges financières d’exploitation sont désormais d’intérêt public. Les habitants doivent être en mesure d’habiter un logement confortable, à faible impact environnemental et connecté à la ville, tout en en supportant normalement la charge financière. Cet impératif ne peut être la variable d’ajustement d’un budget d’opération mal calculé, d’un projet inadapté à son usage ou de marges financières excessives. L’architecte conçoit les logements pour 30, 40, 60 ans, voire plus : les coûts d’investissement doivent être évalués à la hauteur des coûts sociaux et environnementaux de ce temps long : c’est le rôle social et sociétal de l’architecte et, avec lui, celui de la maîtrise d’œuvre.
  • L’entreprise d’architecture, garante de cet objectif devant la société, est indépendante des entreprises qui construisent et du maître d’ouvrage professionnel qui commande l’opération.
  • Pour remplir sa mission, l’architecte accompagné des bureaux d’études maîtrise l’ensemble du processus de production des bâtiments. Il tire de cette connaissance complète de la chaîne de production et d’exploitation des logements le retour d’expérience indispensable à une conception adaptée aux usages.
     
  • Proposition :
  1. Garantir contractuellement l’indépendance de l’entreprise d’architecture et de la maîtrise d’œuvre dans son ensemble vis-à-vis des entreprises de travaux, quel que soient les différents modes de dévolution des marchés. Veiller à ce qu’elles ne deviennent pas sous-traitantes de l’entreprise.

Le décret du 5 mai 2017[1] devait identifier une mission de maîtrise d’œuvre. On peut regretter qu’il n’aille pas suffisamment loin pour permettre à la maîtrise d’œuvre d’alerter, le cas échéant, le maître d’ouvrage sur les éventuelles demandes du mandataire en matière d’économie et de qualité d’exécution. La MAF avait en ce sens fait une proposition qui reste d’actualité :

  • Créer un dispositif permettant d’informer le maître d’ouvrage des contrôles et visa délivrés par la maîtrise d’œuvre ;
  • Permettre à la maîtrise d’ouvrage d’exercer son contrôle sur les matériaux, matériels et équipements qui seront mis en œuvre, avant la phase de réalisation.

 

​2. L’architecte leader dans l’intégration des savoirs

  • L’architecte se situe au carrefour des métiers du bâtiment et des savoirs nécessaires au développement durable de notre société : ces savoirs, d’ordres sociétal, économique et technique, comprennent les préoccupations liées aux transitions environnementales (écologiques), d’aménagement des territoires (politiques), technologiques (numériques). Ils constituent des « matériaux » avec lesquels l’architecte conçoit le projet. Le métier de l’architecte est d’intégrer ces savoirs dans l’habitat qu’il conçoit, en fonction du contexte dans lequel il intervient.

Cette capacité de vision globale du projet, tant dans son insertion dans le site que dans les choix architecturaux et techniques les plus vertueux font de l’architecte l’acteur incontournable pour la relance de la construction tout favorisant la transition énergétique et écologique.

La maîtrise des outils numériques fait de l’architecte l’acteur le plus adapté à la pratique du Building information model (BIM) et aux avantages liés à son utilisation, notamment en matière de délais, coûts et maintenance. La technicité de plus en plus importante de l’acte de construire nécessite que les architectes soient accompagnés de bureaux d’études spécialisés pour les éléments techniques.

  • Propositions :
  1. Fédérer la pratique du numérique autour de l’architecte, leader du BIM management pour l’étude et la construction des logements ;
  2. Inciter à un recours à l’architecte total ou partiel, au stade des missions d’urbanisme et de programmation;
  3. Favoriser, par la commande de la maîtrise d’ouvrage, le développement d’entreprises d’architecture pluridisciplinaires capables de traiter les missions de conception et de direction de chantier, de plans d’exécution, de rénovation-réhabilitation ;
  4. Adapter le cadre des marchés de conception-réalisation, en particulier en phase d’étude, pour faciliter l’innovation lorsque c’est nécessaire[2] : identifier, faire connaître et déployer les expérimentations qui ont réussies ;
  5. Favoriser le recours à l’architecte pour les opérations lourdes de rénovation, en particulier thermiques.

 

3. L’architecte mieux formé à la production de logement

  • Le logement représente 80% du bâti de nos villes : sa réalisation nécessite des savoirs spécifiques, en conception, en construction et dans le déroulement des chantiers. La maîtrise d’œuvre a besoin d’une solide formation pour analyser la grande variété des contextes dans lesquels elle intervient, des programmes de logements dont découlent aussi bien les typologies de bâtiments, les modes constructifs, les montages financiers, etc.
  • L’évolution des modes de vie (l’impact de la crise sanitaire du coronavirus, le télétravail, les transports alternatifs…), la rénovation énergétique du parc de logements existants, le renouvellement urbain et le développement rural, constituent les grands chantiers des années à venir pour le secteur de la construction.
  • Le relèvement permanent des exigences règlementaires, la complexité de l’acte de construire, la multiplicité des savoirs… nécessitent une formation permanente que le durcissement des contraintes économiques a désormais rendu obligatoire : l’offre de formation doit encore s’améliorer en particulier dans la pratique du chantier.
     
  • Propositions :
  1. Former les jeunes architectes au suivi des travaux et à la direction de l’exécution des contrats de travaux (mission DET) pendant leur cycle d’Habilitation à exercer la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP) ;
  2. Renforcer la formation des architectes pour leur permettre d’aborder le logement dans toutes ses composantes : programmation des usages, conception (typologie), suivi d’exploitation (entretien, audit énergétique, diagnostics techniques, etc.), réhabilitation et adaptation du bâti (recomposition-surélévation-adjonction), montages financiers : pourquoi ne pas proposer une spécialisation dans le logement après le diplôme d’architecte ?
  3. Multiplier et valoriser les enseignements communs associant les architectes et les ingénieurs dans les formations initiales (double cursus) et continues.
 

[1] Décret n° 2017-842 du 5 mai 2017 portant adaptation des missions de maîtrise d'œuvre aux marchés publics globaux 

[2] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite loi ESSOC.

 

 

## Mots-clés pour rechercher dans le Livre blanc :
Logement | Logements sociaux | Habiter | Réversibilité | Evolutivité |

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